Transmission d’un cancer de la mère à l’enfant, théoriquement possible

Une publication, émanant d’une équipe japonaise, dans le New England Journal of Medecine rapporte deux cas de cancers du poumon découverts chez de jeunes enfants nés de mères atteintes d’un cancer du col utérin.

La transmission d’un cancer de la mère à l’enfant est extrêmement rare. Les auteurs de l’article signalent 18 autres observations déjà publiées. Des cas de leucémies, de lymphomes, de mélanomes ou de cancers du poumon maternels, transmis par voie trans-placentaire (des métastases placentaires ont parfois été retrouvées) se sont manifestés chez les enfants, soit sous la même forme, soit dans des localisations différentes (foie, poumon, os, cerveau). Diagnostiquées avant l’âge de deux ans, certaines de ces lésions ont régressé spontanément.

La transmission tumorale de la mère à l’enfant, durant l’accouchement par voie basse, est théoriquement possible. Si la mère est atteinte d’un cancer du col utérin, des cellules tumorales peuvent être inhalées à l’occasion de l’accouchement.

Les deux cas présentés ont été découverts dans le cadre de l’essai TOP GEAR (Trial of Onco-Panel for Gene-profiling to Estimate both Adverse events and Response during Cancer Treatment). Cette étude comprend le séquençage de l’ADN d’un échantillon tumoral et d’un échantillon de tissu sain, à la recherche de mutations sur 114 gènes liés aux cancers.

Un cancer du poumon chez un garçon de 2 ans

Le premier cas est celui d’un garçon de 23 mois qui est examiné pour une toux anormale. Le scanner pulmonaire montre la présence de nombreuses masses disséminées le long des bronches. La biopsie révèle qu’il s’agit d’un cancer neuroendocrinien de haut grade avec une différenciation glandulaire focale.
L’enfant est né par voie basse, à terme, d’une femme de 35 ans, chez laquelle a été diagnostiqué un carcinome épidermoïde du col utérin trois mois après l’accouchement. Elle n’avait pas été vaccinée contre l’HPV, et son frottis était « normal » en début de grossesse. Elle a subi une hystérectomie totale avec lymphadénectomie et quatre cycles de chimiothérapie.

Des métastases (poumon, foie, os) se développent au cours des trois années suivantes.

Elle reçoit un traitement de 4 cycles de nivolumab, mais décède après 5 mois d’évolution.
A cette période, aucun lien n’est suspecté entre le cancer maternel et celui de l’enfant, les deux tumeurs ayant des caractéristiques histologiques différentes.
Selon le souhait des parents, l’enfant est suivi sans traitement jusqu’à l’âge de 3 ans. Il est  traité, un an après le diagnostic (cisplatin + irinotecan , carboplatin + etoposide). Sous traitement, certaines tumeurs régressent alors que d’autres progressent.
Le séquençage de l’ADN (NGS) des lésions pulmonaires de l’enfant et de la tumeur cervicale maternelle retrouve les mêmes mutations pathogènes de KRAS et TP 53 etc…, alors que ces anomalies ne sont pas décelées dans les tissus sains de l’enfant, car elles n’ont pas été « héritées » via la lignée germinale.
Par ailleurs, l’analyse en FISH montre l’absence de chromosome Y dans les tissus tumoraux du garçon, prouvant là aussi qu’il s’agit de la transmission directe de la tumeur maternelle.
Un papillomavirus, HPV18, est retrouvé sur la tumeur de la mère et celle de l’enfant.
L’enfant est secondairement traité par le nivolumab (14 cycles) puis  subit une lobectomie où on ne retrouve que des lésions fibreuses séquellaires. Après un an de suivi, il n’a aucun signe de récidive.

Même HPV chez l’enfant et chez la mère dans le second cas aussi

Le second cas concerne un garçon de 6 ans chez qui on découvre un adénocarcinome mucineux du poumon. Lui aussi est né par voie basse, d’une femme atteinte d’un adénocarcinome du col utérin diagnostiqué à la suite de l’accouchement. Les tumeurs de la mère et de l’enfant, qui ont des caractéristiques histologiques similaires, partagent aussi les mêmes mutations de gènes impliqués dans la cancérisation (KRAS, STK11…), sans qu’elles soient retrouvées dans les tissus sains, ces mutations n’étant pas transmises par les gamètes. Dans ce cas aussi, l’analyse FISH montre l’absence de chromosome Y dans les cellules tumorales du garçon. Enfin, les tumeurs de la mère et de l’enfant sont elles aussi positives au même papillomavirus, ici l’HPV16.

Il est évidemment recommandé d’accoucher par césarienne les mères atteintes d’un cancer du col…mais, pour ne pas en arriver là, il est aussi recommandé de faire une recherche du papillomavirus lors de la visite pré-conceptionnelle… Enfin, il est encore mieux de vacciner précocement les jeunes filles pour éviter ce type de transmission morbide.

Dr Catherine Vicariot

RÉFÉRENCE

Arakawa A et coll. : Vaginal Transmission of Cancer from Mothers with Cervical Cancer to Infants. N Engl J Med., 2021;384:42-50.
DOI: 10.1056/NEJMoa2030391


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