Rétrospective sur les traitements de la Covid-19, une leçon pour l’avenir

Au cours des premiers mois de la pandémie de Covid-19, plusieurs molécules ont été proposées sur la base de leur activité antivirale in vitro et malgré l’absence de preuve de leur efficacité. Le British Medical Journal publie une étude faisant le point sur les principaux traitements délivrés aux patients hospitalisés, dans des pays aussi différents que les États-Unis, la Corée du sud, l’Espagne et la Chine. L’étude porte sur plus de 300 000 patients hospitalisés entre janvier et décembre 2020. Parmi eux, environ 63 000 étaient pris en charge en soins intensifs.

Des pratiques très variables selon les pays

Le premier constat est la grande hétérogénéité dans l’utilisation de ces molécules, notamment de fortes variations dans le taux d’utilisation de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine, tant d’un point de vue géographique que temporel.

Le traitement à visée antivirale le plus « populaire » a été indéniablement l’hydroxychloroquine prescrite à seulement 2 % des patients en Chine (où 11,5 % des patients ont toutefois reçu de la chloroquine) mais à 85 % en Espagne. Les prescriptions d’azithromycine vont de 5 % en Chine à 58 % en Espagne. L’association lopinavir-ritonavir a été utilisée assez largement en Corée du Sud (34,9 %) et en Espagne (50,5 %), mais peu dans les autres pays. Cela correspond aux recommandations nationales pendant la durée de l’étude, établies sur la base de données d’efficacité in vitro. L’umifénovir, autre antiviral, est la molécule la plus prescrite, mais exclusivement en Chine (78 %). Les traitements complémentaires montrent la même hétérogénéité, les plus prescrits étant l’énoxaparine, les fluoroquinolones, la ceftriaxone, la vitamine D et les corticoïdes.

Chute de l’hydroxychloroquine, montée des corticostéroïdes

En ce qui concerne l’utilisation dans le temps, celle de l’hydroxychloroquine augmente rapidement à partir de mars et avril 2020, mais décline brutalement en mai et juin après plusieurs mises en garde contre ses effets secondaires, et reste ensuite très faible. Les variations de l’utilisation de l’azithromycine, autre molécule largement prescrite, sont plus difficiles à apprécier, les résultats de l’essai Recovery montrant l’absence de bénéfice chez les patients hospitalisés ayant été publiés seulement à la mi-décembre. En revanche, l’emploi de la dexaméthasone et des corticostéroïdes augmente régulièrement tout au long de l’année.
Les auteurs de l’étude constatent que cette hétérogénéité et ces changements rapides vont de pair avec la diffusion de l’information sur la Covid-19 (phénomène « infodémique »). Les changements de pratique sont « alignés » sur les publications d’essais de faible qualité, les tweets, les avis politiques, etc. qui ont pu influencer aussi les décisions des agences de régulation. Pour les auteurs, il sera nécessaire de réaliser une évaluation rétrospective des pratiques de prise en charge et de traitement pendant la pandémie, pour se protéger contre le recours à des traitements dont l’efficacité n’a pas été prouvée voire potentiellement délétères, durant les futures vagues pandémiques et d’autres crises de santé publique.

Dr Roseline Péluchon

RÉFÉRENCES

Prats-Uribe A. et coll. : Use of repurposed and adjuvant drugs in hospital patients with covid-19: multinational network cohort study
BMJ 2021;373:n1038. doi.org/10.1136/bmj.n1038