Nouveau-nés non vigoureux en liquide méconial : l’aspiration trachéale semble inutile

Le syndrome d’aspiration méconiale (SAM) est un facteur important de morbidité et mortalité néonatale. Sa prévention est centrée sur l’aspiration oro-pharyngée dès que la tête de l’enfant est dégagée mais cette pratique est discutée. L’aspiration endo-trachéale post-natale des nouveau-nés dont le liquide amniotique (LA) était épais ou particulaire mais qui se montraient vigoureux a été abandonnée en raison de l’absence de bénéfice démontré. Elle peut être envisagée pour les enfants non vigoureux mais la procédure peut être traumatique et le bénéfice incertain. Il n’a pas été démontré de différence d’évolution après aspiration de LA épais mais les enfants né à 34-36 semaines pour lesquels le passage de méconium in utero n’est pas rare n’ont pas été concernés par ces études. Pour l’heure, on assiste à une régression pour la pratique de l’aspiration dans les recommandations mais le nombre des études pour étayer cette attitude est réduit.

Des auteurs de l’université de Varanasi (Inde) ont réalisé une étude ouverte randomisée pour évaluer l’efficacité de l’aspiration endotrachéale chez les nouveau-nés non vigoureux nés dans un contexte de LA méconial. Les enfants sélectionnés avaient un âge gestationnel ≥ 34 semaines et étaient « non vigoureux » sur un ou plusieurs critères : apnées, gasps, rythme cardiaque < 100/min, hypotonie. Les critères d’exclusion étaient les malformations et les chorio-amniotites. Les nouveau-nés ont été réanimés en salle de naissance selon les protocoles habituels et avaient une aspiration naso-pharyngée du méconium. La randomisation (en enveloppes scellées) intervenait à ce moment répartissant entre les groupes aspiration endotrachéale ou non. Cette aspiration était pratiquée sous laryngoscopie jusqu’à l’absence de méconium aspiré, généralement à deux ou trois reprises. Ensuite les enfants des deux groupes bénéficiaient d’une réanimation éventuelle identique selon l’état clinique.

Même évolution avec ou sans aspiration

Parmi les 2 997 accouchements durant la période d’étude, 383 enfants sont nés avec un LA teinté et 152 étaient non vigoureux ; après exclusions, 132 cas ont été randomisés ; deux tiers dans chaque groupe étaient en détresse fœtale. Un méconium épais était constaté chez 42,4 % des enfants aspirés et 45,4 % des non aspirés ; respectivement 44 % et 41 % ont eu une tachypnée transitoire. L’incidence du syndrome d’aspiration méconiale a été comparable dans les 2 groupes, respectivement 21/66 (31,8 %) et 15/66 (22,7 %) [Risque relatif 1,4 ; intervalle de confiance à 95 % 0,79-2,47]. Les 2 groupes ne différaient pas par la fréquence des réanimations en salle de naissance, la nécessité d’un support respiratoire et des complications. Le nombre des décès a été comparable : 9 (13,6 %) et 5 (7,5 %) respectivement (NS). La durée médiane d’hospitalisation a été de 54 jours (interquartile 31-141) et 44 jours (26-102) [NS].

En conclusion, l’aspiration trachéale de routine, après une naissance à plus de 34 semaines, n’est pas utile chez les nouveau-nés non vigoureux avec un liquide amniotique teinté pour prévenir le syndrome d’inhalation méconiale.

Pr Jean-Jacques Baudon

RÉFÉRENCE

Kumar A et coll. : Endotracheal suctioning for prevention of meconium aspiration syndrome: a randomized controlled trial. Eur J Pediatr., 2019;178:1825-1835.

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