Méthode pour distinguer en pratique pneumonie bactérienne et virale chez l’enfant

Les causes habituelles des pneumonies communautaires sont virales ou bactériennes mais l’étiologie est rarement établie rapidement de sorte que les praticiens doivent décider empiriquement si un enfant doit recevoir ou non une antibiothérapie. Chaque donnée clinique, biologique et radiologique peut être prise en défaut. De surcroît, le diagnostic différentiel entre pneumonie bactérienne typique ou atypique pose une difficulté supplémentaire qui n’est pas sans conséquences sur le choix d’un antibiotique.
Des pédiatres espagnols ont élaboré un score basé sur les données cliniques et radiologiques qui avait pour but d’aider à différentier la plupart des pneumonies bactériennes typiques (PbT), virales (Pv) et bactériennes atypiques (PbA). Une étude de cohorte, prospective, multicentrique a comporté 2 phases. La première a été menée dans deux hôpitaux de Madrid de 2012 à 2015 afin de jauger le poids de chaque marqueur pour distinguer les pneumonies bactériennes des virales. La seconde phase a impliqué 15 centres dans 3 régions en 2017-2019 pour séparer les PbT des PbA.

Pour être inclus, les enfants devaient être âgés de 1 mois à 16 ans avec une pneumonie radiologiquement confirmée. Des recherches microbiologiques ont été mises en œuvre : hémocultures, PCR ou antigènes pour les bactéries respiratoires sur le sang et éventuellement le liquide pleural, PCR sur aspiration naso-pharyngée pour 16 virus respiratoires, recherche d’anticorps. Une application d’aide au diagnostic sur smartphone a été mise au point. Le seuil optimal de chaque variable a été sélectionné pour une sensibilité élevée (80 %) et le poids de chaque variable calculé par régression logistique à variables multiples.

Des paramètres surtout cliniques

Au total, 495 patients ont été enrôlés d’âge médian 2 ans dont 52 % de garçons, 151 en phase 1 et 344 en phase 2. Parmi eux, 465 (94 %) avaient reçu des antibiotiques à l’admission et 371 (75 %) ont eu complètement les tests et le suivi. Au moins un agent pathogène probable a été identifié chez 262 patients (75 %) : 138 (52,7 %) viral, 124 (47,3 %) bactérien. Parmi ces derniers, 40 (15,3 %) étaient une bactérie typique et 84 (32,1 %) une atypique.

Pour distinguer les infections bactériennes des virales, l’importance de chaque paramètre a été déterminée à partir de l’odds ratio et un score total a été obtenu par addition de chacun des paramètres. Ainsi, ont été considérés en faveur d’une cause bactérienne, l’âge ≥ 3 ans + 10,6, un foyer de condensation + 5,5, une température ≥ 37,7 + 1,3, l’absence de tirage + 2,2, l’absence de vaccin pneumocoque + 1,2, une CRP > 100 mg/L + 2,2, une leucocytose > 15 000/mm3 ou une leucopénie 10 000/ mm3 + 1,2. Un score total ≥ 11 suggérait une cause bactérienne avec une sensibilité de 93,1 % et une spécificité de 57,7 %. Pour la distinction entre PbT et PbA, les paramètres les plus sélectifs pour une PbA étaient l’âge < 3 ans + 6,8, l’absence de toux + 3, de wheezing + 5, des signes de lutte respiratoire + 5,8, une leucocytose >15 000 + 3,3. En revanche la CRP et les données radiologiques n’ont pas été retenues en raison d’intervalles de confiance trop larges.
En conclusion, le poids de chaque paramètre clinique et paraclinique constitue une aide importante pour le diagnostic entre pneumonie virale ou bactérienne typique ou atypique et les indications d’une antibiothérapie.

Pr Jean-Jacques Baudon

RÉFÉRENCE

Tagarro A et coll. : A tool to distinguish viral from bacterial pneumonia. Pediatr Infect Dis J 2022;41:31-36

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