Traitement des otites aiguës : l’amoxicilline reste la référence

Les otites moyennes aiguës (OMA) sont la cause la plus commune de prescriptions d’antibiotiques (AB). Les vaccins anti-pneumocoque ont entrainé un déplacement de la prédominance des germes oto-pathogènes des pneumocoques (de 40 % à 30 %) vers les Haemophilus (de 15% à 40%) et vers les Moraxelles (de 10 % à 20 %). Ces modifications dans la distribution ont des implications dans la prise en charge des otites. Si nombre d’épisodes d’OMA dues aux pneumocoques bénéficient des AB, près de la moitié de ceux liés aux Haemophilus et 75 % de ceux liés aux Moraxelles guérissent spontanément. De plus, de 30 % à 50 % des Haemophilus et 90 % des Moraxelles produisent des β lactamases les rendant résistants à l’amoxicilline habituellement recommandée en première ligne. Ainsi, la question de l’adaptation des recommandations à ces données bactériologiques se pose, tout en tenant compte du risque d’effets secondaires de la prescription d’AB à plus large spectre.

Une étude de cohorte rétrospective sur plus d’1 million d’enfants

Une étude conduite par des universitaires américains a comparé les échecs du traitement AB et le taux de rechutes en pratique courante entre l’amoxicilline et des AB à large spectre chez les enfants de 6 mois à 12 ans souffrant d’OMA non compliquée. Cette cohorte rétrospective sur un an (année 2018) s’est appuyée sur les données d’une compagnie privée d’assurance (MarketScan Commercial Database) couvrant plus de 40 millions d’individus. Le diagnostic d’otite et les informations sur la prescription des 4 antibiotiques les plus courants (amoxicilline, amoxicilline-acide clavulanique, cefdinir et azithromycine) ont été colligés. Les autres renseignements comportaient les consultations et antibiothérapies dans les 30 jours suivant le diagnostic initial et les soins couverts par l’assurance depuis la naissance ou 1 an avant la consultation index. Les critères d’exclusion étaient la prescription d’AB dans les 30 jours précédents, un autre diagnostic d’infection bactérienne éventuellement traité, des drains trans-tympaniques dans les 2 ans précédents ou les 30 jours suivants, une mastoïdite et des otites récidivantes dans l’année.

Des échecs de traitement rares

Au total l’analyse a porté sur 1 051 007 enfants. L’otite a été diagnostiquée par un pédiatre dans 53 % des cas, dans une consultation (88 %), le plus souvent chez des enfants de 6 mois à 5 ans (61,5 %). Les AB prescrits étaient l’amoxicilline (56,6 %), le cefdinir (20,6 %), l’amoxicilline-acide clavulanique (13,5 %) et l’azithromycine (9,3 %) principalement chez les 6-12 ans (46 %). La grande majorité des prescriptions (93 %) étaient pour 10 jours et exécutées dans la journée (98 %). Des échecs du traitement ont été constatés dans 2,2 % des cas (IC 95 % 2,1-2,2) et des rechutes dans 3,3% des cas (IC 95 % 3,2-3,3). Les taux combinés d’échecs et de rechutes ont été bas avec tous les AB : amoxicilline 1,7 % (IC 95 % 1,7-1,8), amoxicilline-acide clavulanique 11,3 % (IC 95 % 11,1-11,5), cefdinir 10 % (IC 95 % 9,8-10,1), azithromycine 9,8 % (IC 95 % 9,6-10).

En conclusion, en dépit des évolutions microbiologiques, les échecs du traitement et les rechutes sont demeurés bas et inférieurs avec l’amoxicilline comparativement aux autres antibiotiques. Ces constations incitent à la prescription d’amoxicilline dans l’OMA purulente en première intention si un traitement antibiotique est prescrit. Cela sans présager des éventuelles tensions d’approvisionnement …

Pr Jean-Jacques Baudon

RÉFÉRENCE

Frost HM, Bizune D, Gerber JS, et al. Amoxicillin Versus Other Antibiotic Agents for the Treatment of Acute Otitis Media in Children. J Pediatr. 2022 Dec;251:98-104.e5. doi: 10.1016/j.jpeds.2022.07.053. Epub 2022 Aug 6. PMID: 35944719.

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