Principes et profil de la Méthode Mère Kangourou

This image has an empty alt attribute; its file name is 22-juillet-2012-132.jpg

Description de l’application de la Méthode

L’approche consiste à accueillir les mères et leurs progénitures de faible poids dans un environnement permettant, dans la mesure du possible, de mieux confronter les conditions difficiles de l’adaptation post-natale. Elle consiste en l’adoption d’une posture particulière où le nouveau-né est placé corps à corps contre sa mère, en position verticale et retenu par un « sac » entre les seins. La méthode est pratiquée d’abord de façon discontinue, quelques heures par jour (4-6hres) avec augmentation progressive de la durée d’exposition du nouveau- né.

Les mères sont assistées par une Infirmière qui s’assure de l’exécution des principes du positionnement et de l’alimentation.

Au moins une  fois  par  semaine,  une  Psychologue,  visite  ces  mamans ;  elle  discute  avec  elles  des  éventuelles appréhensions qui découleraient de l’adoption de la méthode et les prépare à la sortie vers la maison.

Critères d’admission au programme MMK

Tout nouveau-né de moins de 2000g, peut bénéficier de la M.M.K.

Le nouveau-né admis et pris en charge pour un problème d’ordre infectieux, un problème d’ordre neurologique, né de mère séropositive pour le VIH, peut poursuivre son traitement par voie veineuse ou orale tout en bénéficiant de la méthode.

Les différent aspects et phases de l’exécution du programme

1- Admission

Le nouveau-né est référé pour une admission au programme M.M.K. Les dossiers sont remis avec spécification de toutes éventuelles médications à poursuivre.

2- Accueil

L’Infirmière reçoit le dossier du petit patient référé, et reçoit la mère en vue du premier contact. L’Infirmière après les présentations d’usage, entame ce premier dialogue pour expliquer à la mère : les raisons de l’application de la méthode pour son bébé, l’objectif et les avantages de la méthode mère kangourou. La mère est invitée à poser des questions sur l’application de la méthode.

3- Alimentation

L’objectif est d’adopter l’allaitement maternel exclusif, une fois l’état général le permet (diète mixte ou orale, autorisée) . Au cours des séances d’éducation, l’allaitement maternel est un des thèmes priorisés. Les mères apprennent à allaiter leur bébé tout en maintenant la position peau à peau.

4- Séances d’éducation

Au moins une fois par semaine, l’Infirmière rencontre les mères du programme en vue d’échanger avec elles sur l’application de la méthode. Au cours de ces séances des enregistrements vidéo, sur l’alimentation maternelle et sur la méthode mère kangourou, sont visualisés et discutés. Le positionnement est expliqué à nouveau, l’entrainement au massage (un des principaux outils de la MMK) est effectué

5- Suivi intra hospitalier

Le nouveau-né est examiné chaque jour et une note, rapportant les principales trouvailles cliniques du jour, est incluse dans le dossier. Des investigations para cliniques nécessaires peuvent être requises et les prélèvements en rapport effectués. L’éducation de la mère dans l’exécution de la médication orale est initiée dès l’admission.

Les Conditions pour la sortie

Le nouveau-né de petit poids laisse le secteur de Néonatologie une fois les quatre conditions suivantes réunies :

  1. Gain pondéral d’au moins 20 g par jour durant 3 jours consécutifs
  2. Bonne coordination entre la succion et la déglutition (le tube de levin n’est plus utilisé)
  3. Stabilisation de la température corporelle (T° axillaire > ou = à 36.5)
  4. Acquisition par la mère d’une autonomie dans l’application de la méthode

Au moment de la sortie, le Prématuré est renvoyé avec une prescription de Fer (sulfate ferreux) et de Poly-vitamine. Des recommandations spécifiques, en cas de reflux gastro-œsophagien, sont données aux mamans.

La Méthode Mère Kangourou Ambulatoire

Les trois premiers rendez-vous se font à huit jours d’intervalle (le premier rendez-vous, huit jours après la sortie). Le quatrième rendez-vous, en fonction de l’état de l’enfant, peut se programmer après quinze jours ; les autres visites seront mensuelles jusqu’à l’âge de 12 mois.

Au cours des rendez-vous, la mère bénéficie d’une consultation avec le psychologue et d’une séance d’éducation. Le nourrisson profite d’une évaluation clinique, insistant sur les acquisitions motrices, l’état neurologique et le développement staturo-pondéral.

Le suivi, se fait en présence de la mère.

Pour appliquer la méthode, certaines conditions sont incontournables. L’organisation des services et du suivi, l’équipement et les fournitures nécessaires pour la mère et le nouveau-né, l’élaboration d’une politique, ainsi que la dotation des Services en prestataires qualifiés, sont les piliers constituant un programme mère kangourou.

L’Organisation des services de santé

D’après le « Guide pratique de la Méthode Mère Kangourou » de l’OMS, les soins kangourous peuvent être dispensés à différents niveaux de soins. En effet, le nouveau-né de faible poids, sain, doit rester aux côtés de sa mère et doit pouvoir bénéficier des soins kangourous au sein même de la maternité où il est né. Avec une bonne coordination obstétrico-néonatale, la mère et son bébé seront vus par l’équipe kangourou qui s’assurera de la disponibilité du matériel nécessaire.

Une fois, les conditions requises pour la sortie, atteintes, le nouveau-né sortira du Centre hospitalier avec la prescription de sa médication en cours. Parmi les pré-requis pour la sortie du bébé, l’équipe s’est assurée d’une bonne compréhension et acceptation de la méthode par la mère en vue de la poursuite, une fois de retour à la maison. Le bébé, une fois l’exéat accordé, reviendra en visite selon un calendrier adapté à son profil.

Le Suivi intra hospitalier

Une fois admise au sein du programme, la mère est invitée chaque matin à passer au moins 8 heures en contact peau contre peau avec son bébé ; cependant l’idéal reste et demeure un contact permanent. Elle bénéficie de l’assistance et des conseils du personnel Infirmier et de l’évaluation clinique de son bébé. Le gain pondéral étant un des principaux critères d’évaluation, le nouveau-né est pesé chaque jour.

Une médication initiée à l’admission peut être poursuivie au cours de la mise en kangourou ; le nouveau-né bénéficie systématiquement d’une supplémentation en fer et en vitamine et si besoin, d’un traitement anti-reflux.

Le Suivi ambulatoire

À la maison, la mère poursuit l’application de la méthode ; elle se fait aider par le père ou un autre membre de la famille qui aurait eu l’opportunité d’assister aux séances de formation lors de son séjour au sein du Centre hospitalier. Elle revient en rendez-vous régulièrement afin de permettre à l’équipe du secteur d’apprécier l’évolution de son bébé.

Le Matériel et les besoins

Point n’est besoin d’utiliser un matériel particulier, exception faite pour la poche qui devra garder le bébé en position peau contre peau avec sa mère. Cette poche en tissu spécial, le lycra, devrait garantir cette gestion de la température du nouveau-né. Cependant en attendant l’acquisition de toute poche, ou en cas de non disponibilité ponctuelle de cet outil et compte tenu de la température ambiante, d’autres types de tissus comme moyens de rétention, pourraient être utilisés.

Autre matériel nécessaire : un thermomètre pour prendre la température axillaire, une balance néonatale, digitale de préférence, permettant d’apprécier les gains de poids de 10 à 20g.

Ce serait préférable que la mère porte un habit léger, genre blouse avec ouverture en avant. Elle devra pouvoir se déplacer si elle le souhaite, tout en gardant son petit en position kangourou.

En dehors de la possibilité d’utiliser des lits afin de garder le bébé en position, une dodine avec des coussins pour la rendre confortable, pourrait être une alternative. Cette dernière permettrait une meilleure gestion de l’espace dans les milieux ou tout investissement important risquerait de retarder l’application de ladite méthode.

Une douche ou tout autre dispositif garantissant une hygiène appropriée de la mère, est fortement conseillé. L’espace alloué à l’application de la méthode devrait être bien aéré, bien éclairé, reposant et à l’abri de toute nuisance sonore.

La Politique

Aucun programme Mère Kangourou ne saurait être institué dans une Institution sanitaire sans la conscientisation préalable des autorités en place. Du Directeur Médical, en passant par le Chef de Service et le Responsable des soins infirmiers, jusqu’au Résident Chef et les autres catégories de Résidents (dans le cas d’un hôpital universitaire), il est impérieux de faire ressortir l’importance et l’impact de la méthode sur la qualité des soins apportés au nouveau-né de faible poids.

L’instauration d’une telle méthode devrait renforcer les liens entre les Services d’Obstétrique gynécologie et de Néonatologie. Le personnel de ces différents secteurs devront se relayer les informations afin de garantir un accueil optimal à ce nouveau-né de faible poids.

Un protocole spécifiant les différentes étapes de l’application de la méthode devra être divulgué, permettant à toute l’équipe des soins d’être bien imbu des différentes facettes.

Le Personnel

Toute l’équipe des soins de l’Unité de néonatologie devra être en mesure de faire profiter à un nouveau-né de la méthode. Un personnel spécifique pourrait certes initier l’implémentation, cependant le plus rapidement que possible, les différents membres de l’équipe des soins d’une Unité de soins pour nouveau-nés seront mobilisés pour participer à l’application de la nouvelle approche.

La Formation

La formation en Méthode Mère Kangourou devrait apprendre le prestataire de soins à :

  1. Décider du moment et de l’endroit où commencer avec la méthode
  2. Déterminer dans quelle position mettre le nouveau-né pendant et entre les tétées
  3. Choisir le mode d’alimentation du nouveau-né prématuré et de poids faible
  4. Obtenir la participation de la mère dans tous les aspects de soins que requiert le nouveau-né, y compris la surveillance des signes vitaux et la reconnaissance des signes de danger
  5. Prendre les mesures appropriées en temps opportun quand un problème est décelé ou quand la mère est préoccupée
  6. Décider de la sortie du nouveau-né
  7. Apporter encouragement et soutien aux mères et à leurs familles dans l’application de la méthode

Les Résistances et les difficultés à la mise en œuvre et pistes de solution

Les soins kangourous sont dispensés dans bien des pays malgré les écueils pouvant porter atteinte à une application optimale.

La communication autour de l’approche, est un outil déterminant. Dès la période anténatale, la femme convenablement suivie devrait être informé de l’existence d’une telle approche si l’évolution de la grossesse prévoit un accouchement prématuré. Une fois la mère enrôlée dans le programme, son encadrement constant devient indispensable ; l’équipe à travers un contact régulier devrait être en mesure de répondre à toute situation que pourrait engendrer l’application de la méthode ou qui pourrait découler des conditions d’application. L’encadrement ne s’arrêterait pas au niveau de la mère, mais devrait aussi bien ciblé le père et d’autres membres de la famille qui auront une quelconque influence de par leur proximité.

Le type d’alimentation, qui pourrait être influencé par des situations particulières, aura un impact évident sur la croissance du bébé. Étant un des paramètres permettant d’apprécier son évolution et même de décider du moment de sa sortie, il importe d’accorder au type d’alimentation toute l’attention nécessaire. La présence d’une bonne articulation entre la succion et la déglutition, l’absence de rejets ou de vomissements, le ralentissement du transit intestinal sont des aspects qui devront aussi être pris en considération.

Du point de vue de la dispensation des soins, toutes les fois que l’équipe de soins de l’Unité de Néonatologie dans sa totalité n’est pas, tout au moins, informé sur les grandes lignes de la méthode, le risque d’isolement du programme kangourou pourrait entraver sa bonne marche.

Les Chiffres

D’Octobre 2016 à Novembre 2017, l’Unité de Néonatologie (UNe) de l’Hôpital de l’Université d’État d’Haiti (HUEH) a accueilli 734 nouveau-nés, ce malgré les différentes perturbations survenues au sein de l’Institution. Une analyse sommaire des causes d’hospitalisation et de décès, confirme le même profil dominé par les processus infectieux et les traumatismes obstétricaux, avec comme toile de fond, la précarité des conditions socio-économiques de la clientèle et les contraintes d’une prise en charge optimale.

La catégorie des moins de 2000g, comprenant les nouveau-nés prématurés et les hypotrophes, continue à occuper une place importante dans la morbidité et la mortalité du secteur néonatal. Sur les 734 admis, 173 nouveau-nés appartiennent à ce groupe fragile, soit 23.5% des nouveau-nés hospitalisés pour la période susmentionnée. Environ 50% des moins de 2000g (90 nouveau-nés) sont décédés, suite aux complications découlant de leurs pathologies ou de leurs conditions initiales. Des 83 stabilisés, le programme Mère Kangourou a accueilli, au cours de la période concernée, 48 nouveau-nés, soit environ 58% (48/83) des moins de 2000g. Au cours de leur séjour, avec une durée moyenne de 5 (cinq) jours, ces nouveau-nés ont pu bénéficier de l’attention et de l’encadrement du personnel affecté au dit programme. Dès leur admission et tout au long de leur passage à l’UNe, les mères des 48 nouveau-nés, âgées de 16 ans à 38 ans, ont bénéficié de séances d’éducation (hygiène corporelle, renforcement dans le positionnement du nouveau-né, allaitement maternel…). L’objectif principal de développer l’autonomie dans la prise en charge des nouveau-nés par ces mamans a été atteint à 100%.