RGO associé à l’allergie alimentaire : un diagnostic difficile

Le reflux gastro-œsophagien (RGO) est fréquent chez le jeune enfant. Il peut être à l’origine de symptômes importants, dont l’impact sur l’enfant et sa famille n’est pas négligeable. Il s’agit alors de reflux pathologique. Le rôle de l’allergie alimentaire dans ce type de reflux est évoqué depuis plusieurs années, mais des incertitudes persistent.

Un groupe d’experts de l’EAACI (European Academy of Allergy and Clinical Immunology) fait le point sur le sujet, en réalisant une revue de la littérature. Celle-ci inclut toutes les études publiées sur le sujet jusqu’en février 2021 et sert de base à des recommandations.

Un diagnostic difficile

Les mécanismes du RGO sont multiples, mais le principal élément est le relâchement transitoire du sphincter inférieur de l’œsophage. Des allergies alimentaires, IgE médiées ou non IgE-médiées, peuvent être impliquées selon un mécanisme encore mal expliqué, mais sans doute bidirectionnel : le reflux est à l’origine de perturbations du système immunitaire des muqueuses qui, lui-même, peut augmenter le risque d’allergie alimentaire.

Les symptômes typiques sont des régurgitations récidivantes et des vomissements chez des nourrissons ou de jeunes enfants, associés ou non à des pleurs excessifs, de l’irritabilité, un inconfort, une dystonie cervicale, des difficultés alimentaires, des troubles de la croissance, une œsophagite ou des pathologies pulmonaires.

Les experts reconnaissent qu’il est difficile de distinguer le RGO associé à une allergie alimentaire d’un RGO seul. L’analyse de la clinique et des antécédents allergiques est le point essentiel du diagnostic. La présence de symptômes gastro-intestinaux classiquement associés à une allergie non IgE-médiée et/ou d’un eczéma augmente la probabilité d’une allergie alimentaire associée au reflux, ainsi que le manque d’efficacité des mesures initiales telles que l’épaississement des repas et la correction d’une éventuelle suralimentation.

Éviction puis réintroduction de l’allergène sont essentiels au diagnostic

La confirmation d’un reflux pathologique associé à une allergie alimentaire est basée sur l’éviction du lait de vache (ou d’autres allergènes possiblement impliqués). L’éviction doit durer au minimum 2 semaines, mais peut être prolongée jusqu’à 6 semaines, et de préférence être accompagnée par un(e) diététicien(e). Elle doit être suivie par la réintroduction 2 à 6 semaines plus tard de l’aliment en question. Les auteurs insistent sur la nécessité de la réintroduction pour la confirmation du diagnostic, et sur celle d’en expliquer l’importance aux parents parfois réticents. En cas de suspicion d’allergie IgE-médiée, la réintroduction se fera sous supervision médicale.

En l’absence de signes d’alarme (vomissement persistants, hématémèse, vomissements nocturnes, vomissement bilieux), les procédures invasives ne sont pas recommandées pour le diagnostic. Une endoscopie peut être nécessaire en cas de suspicion d’œsophagite à éosinophiles (EE), chez des enfants qui ne répondent pas au traitement du reflux pathologique (éviction et/ou traitement médicamenteux). Le diagnostic d’EE implique la présence de ≥ 15 éosinophiles par champ (HPF), alors qu’ils sont classiquement inférieurs à 15/HPF dans le RGO pathologique sans EE. Le groupe de travail de l’EAACI recommande une impédance intra-luminale multiple en cas de signes d’alarme ou pour les enfants non-répondeurs à la prise en charge classique. Le dosage des IgE spécifiques ou les tests cutanés ne sont pas indiqués.

Un traitement médicamenteux limité et prudent

En cas de RGO sans signes d’alarme, les experts préconisent en premier lieu de rassurer les parents et d’entreprendre des mesures diététiques (épaissir les repas, éviter la suralimentation). Les symptômes s’améliorent généralement avant l’âge de 6 mois et disparaissent vers 12-15 mois. En revanche, si une allergie alimentaire est suspectée, l’éviction de l’allergène est indispensable.
Si les symptômes cliniques ne s’améliorent pas malgré les mesures diététiques, les auteurs recommandent d’adresser à un gastroentérologue pédiatre ou un allergologue qui décidera de la pertinence d’un traitement médicamenteux.
Ces derniers sont de 4 ordres, mais leurs indications sont très limitées. Aucune guideline ne recommande plus actuellement l’utilisation des agents prokinétiques (métoclopramide et dompéridone) chez l’enfant. Il n’existe pas de preuve formelle de l’efficacité des alginates ni des anti-H2. Quant aux inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), ils peuvent être utiles chez l’enfant de plus de 1 an, en cas d’œsophagite à éosinophiles, après avoir évalué correctement leur balance bénéfices/risques.

La prise en charge diététique est la base du traitement

L’allergène alimentaire le plus souvent associée au RGO pathologique est le lait de vache. Plus rarement il peut s’agir du soja, de l’œuf ou du blé.
L’allaitement maternel exclusif est recommandé pour les nourrissons présentant un RGO avec allergie alimentaire. Le groupe de travail précise que l’éviction de l’allergène suspect de l’alimentation maternelle ne doit être envisagée que si les symptômes de l’enfant persistent malgré l’allaitement exclusif.
Quand l’allaitement maternel est impossible ou insuffisant, un hydrolysat extensif est recommandé en première ligne. Une formule à base d’acides aminés peut être nécessaire en cas de troubles de la croissance, ou d’allergies alimentaires multiples. L’hydrolysat extensif ou la formule à base d’acides aminés peuvent être épaissis.
L’efficacité de l’éviction ne doit pas être évaluée avant 2 semaines, mais le délai peut être plus long et l’amélioration n’apparaître qu’après 6 semaines. Si l’éviction du lait de vache ne suffit pas à améliorer les symptômes, il peut être nécessaire d’envisager l’éviction d’autres allergènes alimentaires.
Un essai de réintroduction de l’allergène en cause peut être tenté après 6 à 12 mois d’éviction. Il ne peut être réalisé à domicile que s’il n’existe pas de suspicion d’allergie IgE-médiée.

Enfin, la prise en compte de l’impact du RGO pathologique sur la qualité de vie des familles ne doit pas être négligé.

Dr Roseline Péluchon

RÉFÉRENCES

Meyer R. et coll. : Diagnosis and management of food allergy-associated gastrooesophageal reflux disease in young children – EAACI position paper
Pediatric Allergy an Immunology, 2022 Oct;33(10):e13856.
doi: 10.1111/pai.13856.

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