La rétinopathie de la prématurité, première cause de cécité chez l’enfant ?

A l’échelle nationale la prévalence et l’étiologie des cécités de l’enfant dépendent du niveau de développement des pays. Dans les pays développés il semble que la rétinopathie de la prématurité soit devenue la première cause de cécité de l’enfant. C’est ce que suggère une étude épidémiologique transversale effectuée aux USA.

Les diagnostics de cécité sont extraits du registre IRIS (Intelligent Research in Sight), un registre national ouvert en 2014 par l’American Academy of Ophthalmology. En cas de diagnostics multiples seul a été retenu le diagnostic principal, par accord entre deux des auteurs.

Sur 81 164 patients de ≤ 18 ans inscrits dans le registre avec une acuité visuelle renseignée en 2018, 961 (1,18 %) ont une acuité visuelle du meilleur œil corrigé ≤ 20/200 (≤ 1/10 sur l’échelle de Monoyer), c’est-à-dire une « cécité légale ».

Par comparaison avec les autres patients, les patients souffrant de cécité sont plus jeunes et ont une plus grande probabilité d’être de sexe masculin ou d’origine latino- ou afro-américaine.

Les diagnostics spécifiques de cécité sont, par ordre de fréquence décroissant, la rétinopathie de la prématurité (301 cas, 31,3 %), puis, loin derrière elle, le nystagmus (78 cas, 8,1 %), la cataracte (6,7 %), et l’atrophie du nerf optique (6,5 %). Les structures oculaires affectées comprennent la rétine dans près de la moitié des cas (47,7 %), puis le nerf optique (11,6 %) et le cristallin (10,0 %). Un diagnostic de cécité corticale (cortical visual impairment) n’a été posé que chez 2,4 % des enfants souffrant de cécité.

En cause, l’incidence croissante de la grande prématurité

Un peu plus de la moitié des affections diagnostiquées (52,4 %) sont en principe accessibles à un traitement, à commencer par la rétinopathie de la prématurité et par les cataractes, mais ces dernières sont souvent traitées avec retard.

Dans des études antérieures, des enquêtes en milieu scolaire, la cécité corticale et l’hypoplasie du nerf optique étaient les deux premiers diagnostics de cécité, et la rétinopathie de la prématurité ne venait qu’au troisième rang. Il est possible que, dans l’enquête actuelle, les cécités corticales soient sous-estimées et étiquetées nystagmus ou amblyopie parce que les enfants souffrant de cécité corticale présentent souvent d’autres handicaps qui rendent difficile la mesure de l’acuité visuelle. En revanche, il est vraisemblable que la rétinopathie de la prématurité représente une part plus importante des cécités de l’enfant du fait de l’incidence croissante de la grande prématurité et des failles dans son dépistage.

Au total, la rétinopathie de la prématurité n’est pas un problème résolu. Il faut sûrement améliorer son dépistage à partir des unités néonatales, notamment en développant les moyens de dépistage à distance basés sur l’intelligence artificielle.

Une limite de l’étude est la possibilité de recensement incomplet des patients. Pour avoir une idée exacte de la prévalence des différentes causes de cécité chez l’enfant il faudrait mener une étude basée en population.

Dr Jean-Marc Retbi

RÉFÉRENCE

Lim HW et al. : Causes of childhood blindness in the United States using the IRIS®registry (Intelligent Research in Sight). Ophthalmology 2023 S061-6420(23)00245-2. Doi : 10.1016/j.ophtha.2023.04.004

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