La tétine, au sein d’une polémique

Les bienfaits de l’allaitement maternel pour diminuer la fréquence des diarrhées et des infections digestives et respiratoires sont établis. L’allaitement au sein offre une protection contre l’obésité, le diabète de type II et il a une influence sur le développement.

Pour les mères, l’allaitement diminue le risque de cancer du sein et de l’ovaire, de diabète, de prise de poids et de dépression. Le succès de l’alimentation au sein dépend de sa mise en œuvre précoce. Parmi les facteurs qui peuvent l’entraver, l’utilisation de tétines a longtemps été considérée comme un facteur contraire.

L’OMS en 2018 a recommandé d’attirer l’attention des mères sur l’emploi des tétines qui peut interférer avec la capacité à reconnaître les besoins de l’enfant. Il a été suggéré que la prise de tétine pourrait diminuer la stimulation exercée sur le sein et contribuer ainsi à réduire la sécrétion de lait et aboutir à un sevrage précoce.

En fait, les essais prospectifs contrôlés n’ont pas montré d’association négative entre l’usage précoce de la tétine et l’interruption de l’allaitement. Pour les prématurés, les bénéfices de la tétine portent sur l’autonomie alimentaire plus précoce et la durée de l’hospitalisation.

Des pédiatres finlandais ont revu et actualisé les publications pour évaluer si les tétines interfèrent avec le succès ou l’échec de l’allaitement maternel des nouveau-nés à terme et l’autonomisation des prétermes.

Les bases de données étaient MEDLINE, Cochrane Central Registrer of Controlled TrialsWeb of SciencesScopus à la recherche d’essais contrôlés randomisés (ECR). Une méta-analyse a été conduite et le risque de biais et la qualité des essais ont été analysés.

Ne contrarie pas l’allaitement tout maternel et est bénéfique pour les prématurés

La recherche initiale a rassemblé 1 481 résultats et après exclusion des doublons 772 abstracts ont été examinés puis 44 articles en textes complets ; au total, 10 ECR remplissaient les critères d’inclusion, 5 concernant des enfants à terme et 5 des prématurés.

Pour les enfants à terme, dans le groupe intervention, la consigne était de ne pas offrir de tétine durant l’hospitalisation et jusqu’à 3 mois. Les prématurés du groupe intervention avaient systématiquement une tétine pendant l’hospitalisation.

Trois études ont inclus 1 862 nouveau-nés à terme : l’analyse a montré que le taux de tout allaitement maternel, partiel ou total, était comparable dans les 2 groupes. Trois études incluant 1 621 nouveau-nés dont 283 prématurés ont analysé le taux de tout allaitement maternel à 3 mois et 2 études de 1 338 nouveau-nés à terme consacrées à l’allaitement complet n’ont montré aucune différence.

A 4 mois, d’après 3 études sur 1 862 nouveau-nés, la restriction de l’usage de la tétine n’améliorait pas le taux d’allaitement total ou partiel. A 6 mois, d’après 3 études comprenant 1 160 enfants dont 281 prématurés, le taux d’allaitement n’était pas significativement différent.

La qualité de ces travaux a été jugée modérée ou élevée. Chez les prématurés, 4 travaux incluant 283 nouveau-nés ont montré que la tétine raccourcissait la durée de l’hospitalisation de 7 jours (différence moyenne 7,23 ; intervalle de confiance à 95 % IC 3,98-10,48).

La période de transition entre gavage et alimentation orale complète était raccourcie de 3 jours (moyenne 3,21 ; IC 1,19-5,24).

Ainsi, sur la base de cette méta-analyse, l’utilisation de tétines ne devrait pas être restreinte chez les nouveau-nés à terme. Les bénéfices sont confirmés pour les prématurés.

Pr Jean-Jacques Baudon

RÉFÉRENCE

Tolppola O et coll. : Pacifier use and breastfeeding in term and preterm newborns-a systematic review and meta-analysis. Eur J Pediatr., 2022;181:3421-3428. doi: 10.1007/s00431-022-04559-9.

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