On manque d’un outil clinique pour évaluer l’hypotonie chez l’enfant

Une hypotonie est rapportée dans de nombreux troubles du développement et maladies de l’enfant. Son appréciation est purement clinique, par les professionnels de santé concernés (pédiatres, neuro-pédiatres, kinésithérapeutes, psychomotriciens, etc.). Elle n’est pas fondée sur l’activité de la boucle du réflexe myotatique, elle n’est pas étayée par l’électromyographie (il n’y a pas de critères EMG du tonus musculaire de repos). D’où un certain manque de clarté et d’objectivité.

Des auteurs espagnols ont fait une revue systématique exploratoire de la littérature médicale, selon le protocole PRISMA, afin de préciser ce que recouvrait la notion clinique d’hypotonie chez l’enfant.

De nombreux tests et caractéristiques

Des articles pertinents, en anglais et en espagnol, ont été recherchés en mai 2021 dans des bases de données comme Pubmed, Cochrane, Web of Knowledge, en excluant ceux qui ne traitaient que des hypotonies « périphériques ». Au final, 45 articles ont été retenus : un essai contrôlé randomisé, 3 études cas-témoins, 2 études de cas, 11 études observationnelles, dont quatre enquêtes auprès de professionnels de santé, et 28 avis d’experts. A l’exception de l’essai randomisé, ils sont de faible ou de très faible qualité. Le diagnostic d’hypotonie y est posé a priori. Les caractéristiques cliniques et les tests diagnostiques de l’hypotonie ne sont abordés directement que dans les enquêtes.

Les auteurs ont recensé 53 caractéristiques et tests de l’hypotonie chez l’enfant. Treize sont cités dans au moins 10 articles ; par ordre de fréquence décroissant, la manœuvre du tiré assis, la position de grenouille, la suspension verticale, le retard moteur, l’hypermobilité articulaire, la suspension horizontale, le signe de l’écharpe, la difficulté à maintenir des postures antigravitaires, la sensation de moindre résistance à la mobilisation des segments de membre, les troubles respiratoires, les troubles alimentaires, les postures anormales.

Trois caractéristiques sont intriquées avec l’hypotonie musculaire proprement dite : la diminution de la force musculaire, l’hypermobilité articulaire, la difficulté à adopter des postures antigravitaires.

Classiquement, la diminution de la force musculaire et la difficulté à adopter/maintenir des postures antigravitaires sont surtout marquées dans les hypotonies « périphériques » (par atteinte du muscle ou du motoneurone de la corne antérieure de la moelle). Cependant, une faiblesse musculaire est aussi mise en évidence dans des hypotonies « centrales » (par atteinte du SNC au-dessus de la moelle épinière) comme celles de la trisomie 21 (l’essai randomisé, sur le travail musculaire isokinétique) ou du syndrome de Prader-Willi (une étude observationnelle). L’hypermobilité articulaire pourrait être due à une hyperlaxité ligamentaire si on suppose que l’altération des propriétés visco-élastiques des muscles – la composante mécanique du tonus- s’étend aux ligaments. L es hypotonies congénitales bénignes gardent une hyperlaxité ligamentaire à l’âge adulte.

Quatre manœuvres de choix

L’observation de l’enfant est le principal moyen de diagnostic de l’hypotonie, les tests sont utilisés en complément. Les quatre manœuvres de choix pour objectiver l’hypotonie semblent être le tiré assis (entraînant une chute de la tête), le signe de l’écharpe, la suspension verticale et la suspension horizontale. Leur validité et leur fiabilité ne sont précisées par aucune étude. Dans une étude sur la neurofibromatose de type 1 – la maladie de von Recklinghausen – les enfants qui ont une abduction de hanche > 60° et une chute de la tête à la manœuvre du tiré assis ont 20 fois plus de chances d’être hypotoniques.

Les grilles de maturation du nouveau-né, les tests de dépistage précoce des troubles neuromoteurs type paralysie cérébrale (par ex. l’INFANIB) ou les échelles de développement moteur ou global (par ex. les échelles de Bayley) intègrent certaines manœuvres. Ces outils admettent implicitement un lien entre hypotonie et retard moteur chez le nourrisson, bien qu’un tel lien ne soit pas prouvé scientifiquement.

Il ressort de cette revue systématique qu’on ne dispose d’aucun outil clinique pour évaluer avec précision l’hypotonie chez l’enfant. Un tel outil permettrait aux professionnels concernés de parler le même langage. Il permettrait aussi de savoir si des interventions de kinésithérapie et/ou de psychomotricité peuvent faire régresser une hypotonie.

Dr Jean-Marc Retbi

RÉFÉRENCE

De Santos-Moreno MG et coll. : Hypotonia : is it a clear term and an objective diagnosis ? An exploratory systematic review. Pediatr Neurol., 2023 ; 138 : 107-117. Doi : 10.1016/j.pediatrneurol.2022.11.001

Copyright © http://www.jim.fr