Que sait-on des anticorps développés après une infection au SARS-CoV-2 ?

Publié le 05/08/2021

L’association entre anticorps (AC) dirigés contre le SARS-Cov-2 et l’immunité conférée contre la Covid-19 reste mal précisée. Or, bien connaitre les implications liées à la présence de tels AC est essentiel afin de guider les décisions pour un patient donné et orienter les interventions de santé publique, dont avant tout la pratique des tests diagnostiques et la vaccination. En pathologie virale, de fait, les relations entre AC et immunité varient selon les virus. A titre d’exemple, les AC développés en réponse aux coronavirus saisonniers responsables du banal rhume n’amènent pas à une immunité durable. Les caractéristiques propres du virus, la charge virale, les voies de pénétration et des facteurs propres à l’hôte, tels que l’âge influent sur la réponse à une infection virale donnée. Concernant les infections au SARS-Cov-2, de rares cas de réinfection ont été rapportés dans la littérature médicale, mettant en question le rôle de ces AC.
La majorité des immuno-essais de détection des AC anti-SARS-Cov-2 est basée sur la mise en évidence de la protéine virale de pointe, au niveau de la zone d’attache du virus. Les AC neutralisants sont les mieux connus. Ils bloquent le virus au niveau de cette zone de réception et sont d’un grand intérêt pour déterminer si les AC confèrent une réelle immunité protectrice.
Dans le travail ici rapporté, 4 points principaux ont été abordés :
– La prévalence, les taux et la durée de vie des AC, en réponse à une infection à SARS-Cov-2
– Les variations possibles en fonction des caractéristiques du patient, de la sévérité de l’infection et des tests utilisés
– Le type et la durée de l’immunité acquise
– Les éventuelles conséquences inattendues du dosage de ces AC

Revue systématique incluant 66 études observationnelles

Dans ce but a été menée une revue systématique, d’articles de langue anglaise, issus de grandes banques de données informatiques, dont Ovid MEDLINE ALL, Elsevier Embase, Cochrane Central Register of Controled Trials…La recherche fut effectuée entre le 1er Janvier et le 5 Aout 2020, une surveillance active étant maintenue jusqu’en Décembre 2020. Tous les articles sélectionnés concernaient des adultes de 18 ans au moins, dont l’infection par SARS-Cov-2 avait été confirmée par un test RT-PCR, ayant eu, également, des tests sérologiques et suivis sur le plan clinique. 2 investigateurs ont extrait les données pertinentes et ont apprécié la qualité des publications retenues. Il ne fut pas effectué de méta analyse. Furent incluses 66 études observationnelles (n= 16 525). 4 portèrent sur la prévalence des AC dans la population, 45 sur le mode de réponse (type, taux, durée, persistance des AC) et 17 se sont intéressées à la performance diagnostique des différents essais utilisés. La taille des échantillons varia de 29 à 2 547 participants (médiane:98), de sévérité variable : 38 % des sujets étaient d’origine chinoise, 33 % d’origine européenne et 18 % provenaient des USA. 50 % des études furent effectuées en milieu hospitalier, 23 % en externe et le reste fut mixte. La majorité évalua la prévalence ou le taux d’AC dans les 28 jours de la symptomatologie clinique ou le diagnostic posé par RT-PCR. La mesure des IgG et des IgM fut le plus fréquemment pratiquée, moins fréquemment celle des IgA et des AC neutralisants.

Les IgM détectables dès le 7ème jour et les IgG à partir du 12ème jour post infection

A partir de 21 études (n= 6 073, allant de 32 à 1 850 participants), il apparut que la plupart des adultes infectés par SARS-Cov-2, avec confirmation par RT-PCR, développèrent des AC de type IgM aux alentours du 20ème jour après le début des symptômes ou le diagnostic biologique. Les IgM sont, de fait, les premiers AC décelables, dès le 7ème jour et commencent à décliner au 27ème jour. Concernant les IgG, approximativement 95 % des patients infectés développèrent ce type d’AC (24 études, n= 9 136, allant de 32 à 247, dosage effectué vers le 25ème jour). Les IgG sont détectables dès le 12ème jour, légèrement plus tardivement que les IGM, leur pic se situant vers le 25ème jour et la baisse de leur taux pouvant débuter vers le 60ème jour. La prévalence des AC IgA est un peu plus faible, de l’ordre de 83 % en moyenne (78 à 89 %). Comme pour les IgG, ils restent décelables plusieurs mois après le début de l’infection.
8 études observationnelles et de cohorte (n= 979, 29 à 567 participants) ont montré que la grande majorité des malades développait des AC neutralisants. Leur cinétique est variable selon les publications. Il semble que l’activité neutralisante est bien corrélée avec la présence des IgG dirigées contre la protéine de pointe du virus ou la région du récepteur cellulaire mais on doit signaler que les travaux portant sur les AC neutralisants ont été peu nombreux et effectués à des périodes diverses de l’infection à SARS-Cov-2.

Un âge avancé et une forme plus grave de la maladie semblent être associés à des taux plus élevés d’anticorps

Il n’existe que de faibles corrélations entre réponse en AC et différents paramètres cliniques mais un âge avancé, une sévérité plus grande de la maladie, la présence de symptômes cliniques plus marqués lors de la phase aiguée semblent être associés à des taux plus élevés d’AC. Une étude islandaise de séroprévalence ayant porté sur 489 patients guéris du Covid-19, effectuée après environ un mois, a retrouvé des résultats négatifs de recherche d’ AC chez 19 des participants, soit 4 %. Pareillement, un travail américain a fait état d’ un taux de séronégativité de 6 % dans les 14 à 90 jours après le début, taux fonction essentiellement de l’intensité de l’ infection car ces résultats négatifs ont été observés chez 19 % des patients asymptomatiques (n= 308) mais chez aucun patient hospitalisé (n=79) de la cohorte analysée.

La question de la réinfection reste très peu investiguée

Peu d’études ont porté sur l’association entre AC et immunité, et notamment sur la possibilité d’une nouvelle infection. Certes, une publication chinoise fait état, en autre, d’une réinfection chez un malade convalescent chez qui les AC, tant IgG que IgM s’étaient révélés indétectables, 4 semaines après sa sortie de l’hôpital. Mais, dans l’ensemble, la présence d’AC est associée à une immunité protectrice et à un risque moindre de réinfections.
En résumé, la plupart des adultes infectés par le SARS-Cov-2 développent des AC de type IgM et IgG. Le pic d’IgM survient vers le 20ème jour, puis décline. Celui d’IgG débute vers le 25ème jour pour rester décelable durant au moins 120 jours. Avec un niveau de preuves fort, il apparait également que l’activité des AC neutralisants peut persister plusieurs mois et qu’un âge avancé ou une sévérité plus grande de l’infection sont associés à des taux plus élevés en AC.

Des limites à relever

Les limites des travaux ici rapportés sont multiples. La plupart ont eu un effectif faible, ont concerné des patients hospitalisés, ont été principalement effectués en Chine ou en Europe. Plusieurs des tests utilisés n’avaient pas été validés par l’US Food and Drug Administration, avaient une sensibilité basse ou un taux important de résultats faux positifs. De plus, il n’a pas toujours été fait la distinction entre infection active et résultat positif en RT-PCR sans infection active patente. Seules les publications agréées par des pairs ont été retenues pour l’analyse. Enfin, il faut rappeler que la réponse immunitaire au SARS-Cov-2 inclue l’immunité cellulaire et est fonction de la reconnaissance des antigènes par les cellules T, dont le rôle précis reste en cours d’évaluation.

Dr Pierre Margent

RÉFÉRENCE

Anti body Response After SARS-Cov-2 Infection and Implication for Immunity. A rapid living review. I. Arkhipova-Jenkins. Ann Intern Med. June 2021.

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