On détecte fréquemment une hyperglycémie au cours des premiers jours de vie chez des grands prématurés non infectés. Cette hyperglycémie est transitoire, mais elle peut entraîner une glycosurie et une déshydratation par diurèse osmotique et elle favorise les infections et des complications telles que l’hémorragie intraventriculaire et la rétinopathie, ce qui incite à la corriger en diminuant le débit du glucose perfusé et en utilisant l’insuline en perfusion IV. Quelles sont les conséquences de l’hyper-glycémie précoce du grand prématuré au-delà de la période néonatale ?
ME Paulsen et coll. font la revue systématique de 8 articles rapportant le devenir entre 4 mois et 7 ans de 987 nouveau-nés nés à < 1 500 g et/ou < 32 sem., dont une partie a été exposée à une hyper-glycémie au cours des 28 premiers jours de vie.
Le petit nombre des études et leur hétérogénéité clinique interdisent une méta-analyse.
Le seuil de l’hyperglycémie est fixé tantôt à 1,50 g/l (8,3 mmol/l), tantôt à 1,80 g/l (10 mmol/l), et sa durée minimum n’est pas toujours précisée.
Six études, dont cinq rétrospectives, comparent le devenir de prématurés hyperglycémiques à celui de prématurés normoglycémiques (témoins).
Des résultats variables, selon les études, sur le neurodéveloppement, la croissance, la composition corporelle…
Concernant la croissance, la composition corporelle et le neuro-développement, ces études donnent des résultats discordants. Les mensurations des enfants hyperglycémiques sont similaires à celles des témoins à 2 ans d’âge corrigé dans une étude, leur poids est inférieur dans une autre étude. Quand l’hyperglycémie a duré 5 jours ou plus, la masse maigre et la masse grasse sont augmentées à 4 mois dans une étude, la masse maigre est diminuée dans une autre étude. Le neuro-développement des enfants hyperglycémiques, apprécié à 1 an et à 2 ans cliniquement et par des tests, est plus perturbé dans trois études, leurs scores cognitifs aux échelles de Bayley sont meilleurs dans une 4e étude…
Concernant l’appareil cardiovasculaire, une étude de cohorte basée en population (EXPRESS) trouve une élévation de la pression artérielle à 6,5 ans chez des très grands prématurés hyperglycémiques.
Les effets de l’hyperglycémie précoce sur la composition corporelle et les scores des échelles de Bayley, et sur la pression artérielle dépendent de son degré et de sa durée dans l’analyse secondaire d’une étude prospective et dans l’étude EXPRESS, respectivement. Cependant, des effets nocifs sont observés à partir d’une glycémie de 1,50 g/l.
Peu de différences selon qu’il y a eu ou non une insulinothérapie
Deux études évaluent l’effet du traitement par l’insuline en comparant des groupes de prématurés hyperglycémiques traités différemment.
L’insulinothérapie est en général indiquée par la persistance de l’hyperglycémie malgré la baisse du débit du glucose perfusé en dessous de 6 mg/kg/min ; elle implique un risque d’hypoglycémie.
Dans une étude rétrospective, 17 des 97 prématurés de 25-28 sem. hyperglycémiques inclus ont été traités par l’insuline ; à 1 an, il n’y a pas de différences entre les enfants traités et non traités pour les retards staturo-pondéraux et les troubles neuro-développementaux. Dans l’unique essai contrôlé et randomisé de la revue (HINT), l’insulinothérapie a eu comme objectifs une glycémie entre 0,72 et 1,08 g/l (4-6 mmol/l) chez 43 prématurés et entre 1,44 et 1,80 g/l (8-10 mmol/l) chez 45 prématurés ; à 7 ans, il n’y a pas de différence significative entre les deux groupes d’enfants pour la survie sans troubles neuro-développementaux, mais les enfants dont le contrôle de la glycémie a été plus strict sont plus petits et ont une glycémie à jeun plus basse.
Au total, la revue ci-dessus ne fournit pas de preuves indiscutables de la nocivité de l’hyperglycémie précoce des grands prématurés au-delà de la période néonatale. Ses auteurs estiment que des essais contrôlés randomisés sont nécessaires pour préciser les effets de l’hyperglycémie précoce et de son traitement sur le métabolisme et le neuro-développement des grands prématurés, et Ils détaillent les conditions à remplir pour obtenir des résultats fiables.
Dr Jean-Marc Retbi
RÉFÉRENCE
Paulsen ME et coll. : Long-term outcomes after early neonatal hyperglycemia in VLBW infants : a systematic review. Neonatology 2021 ; 118 : 509-521
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