Choisir le bon moment pour introduire l’œuf dans l’alimentation des enfants

L’œuf est un allergène alimentaire majeur pouvant être responsable d’allergie alimentaire chez 0,5 % à 2,5 % des enfants surtout avant 5 ans. Dans le passé, les recommandations étaient de retarder l’introduction de l’œuf jusqu’à l’âge de 2 à 3 ans, en particulier en cas d’antécédents allergiques personnels (eczéma) ou familiaux. Puis, chez les enfants à haut risque, des travaux ont indiqué que l’introduction précoce des allergènes alimentaires vers 4 à 5 mois suivie d’une consommation régulière pourrait protéger contre les allergies alimentaires spécifiques. L’impact de telles mesures dans la population générale n’est pas clair car les études disponibles n’ont pas concerné des enfants de plus d’un an.

Des auteurs ont analysé les associations entre l’âge à l’introduction de l’œuf et le développement d’une allergie correspondante dans la population générale à partir des données d’une cohorte prospective prénatale (Project Viva). Cette étude, conduite dans le Massachusetts, a incluait 2 128 nouveau-nés normaux dont les mères avaient été enrôlées lors d’une visite prénatale ; des données complètes sur l’alimentation et l’évolution à terme ont été obtenues pour 1 217.

Mieux vaut tôt que tard

Le diagnostic d’allergie à l’œuf a reposé sur des questionnaires proposés aux mères lors que leur enfant avait 2 ans (n =1 159) puis au début de l’adolescence (n = 928). Lors de cette dernière consultation des RASTS (Radioallergosorbant test) ont été réalisés pour mettre en évidence une sensibilisation. Les différents facteurs de confusion potentiels examinés étaient l’ethnie, le niveau d’éducation de la mère, les revenus du ménage, les antécédents d’eczéma du nourrisson, la présence d’un animal à fourrure au domicile. Les données sur les antécédents familiaux d’atopie étaient incomplètes. La perte d’effectifs au cours du suivi était plus notable en cas d’origine hispanique ou noire et de niveau d’éducation et de revenus maternels bas introduisant donc un biais de recrutement inévitable.

A l’âge d’un an, 11,7 % (142/1217) des nourrissons n’avaient pas encore mangé d’œuf ; les mères de ces enfants avaient des revenus et un niveau d’éducation plus élevés suggérant que ces 2 variables pourraient influencer l’âge à l’introduction. Le taux d’eczéma dans la cohorte était de 21,8 % comparable à celui de la population générale. A 2 ans, 25/1 159 enfants (2,2 %) souffraient d’une allergie à l’œuf, taux nettement plus élevé en cas d‘introduction tardive en comparaison d’une précoce : 8 % vs 1,4 % (P < 0,0001). Cette association persistait après corrections pour les facteurs de confusion (Risque Relatif ajusté aRR 7,58 intervalle de confiance à 95 % IC 3,08-18,61). Au début de l’adolescence, le risque d’allergie demeurait plus élevé chez les enfants avec introduction tardive (3,9 % vs 1,1 % P=0,048 ; aRR 4,07 IC 1,20-13,87). De surcroît, le pourcentage de taux d’IgE anti-blanc d’œuf ≥ 0,35 kUA/L était supérieur à l’âge de 3 ans : 28 % vs 17 % (P = 0,03) mais non à 7 ans : 10,6 % vs 8 % (NS).

Ainsi, sur la base de ces questionnaires, les enfants qui ont eu une introduction tardive de l’œuf après 12 mois ont une augmentation du risque d’allergie à cet aliment à 2 ans qui persiste au début de l’adolescence.

Pr Jean Jacques Baudon

RÉFÉRENCE

Martone GM et coll. : Delayed egg introduction beyond infancy and increased egg allergy in childhood. J Pediatr Child Health 2023;59:53-57

Copyright © http://www.jim.fr