L’Observation

Triplet

Il faut privilégier cette phase de l’examen, riche de renseignements, qui introduira l’exploration globale du nouveau-né.

Tout comme en salle de travail, l’observation du nouveau-né est la partie majeure de l’examen : à aucune autre période de la vie, l’observation globale visuelle et auditive n’apportera autant d’informations.

On peut apprécier la symétrie de la posture et des mouvements. En décubitus dorsal, les bras et les jambes sont mi- fléchis et la tête posée sur le côté. Par moments, les membres du côté duquel se trouve la tête se mettent en extension, alors que les autres sont fléchis. C’est ce qu’on appelle : la position de l’escrimeur, due au réflexe tonique asymétrique du cou. (RTAC).

À signaler que la position de confort du nouveau-né dépend de la présentation à la naissance.

L’activité spontanée est riche ; elle ne doit pas être appréciée immédiatement après la naissance. Il existe souvent soit une diminution, soit une exagération de cette activité spontanée au cours des premières heures de la vie, influencée par la posture in utero ou par les circonstances de la naissance.

L’irritabilité, lorsqu’elle est modérée est considérée comme physiologique ; on peut noter des décharges de mouvements, de petites trémulations des mains et des pieds, un tremblement du maxillaire inférieur.

La peau, qui à la naissance est recouverte d’un enduit blanchâtre, graisseux : le vernix caoesa. Elle se desquame, parfois de façon généralisée et en vaste lambeaux, chez le nouveau-né post-mature.

On peut retrouver sur le dos, une pilosité très fine, le lanugo.

À partir de la 12ème heure, l’érythème toxi-allergique peut apparaître. Il consiste en des macules érythémateuses centrées d’une vésiculette, apparaissant sur le tronc et le visage et s’effacent graduellement. Ces macules érythémateuses n’ont aucune signification pathologique.

Sur les ailes du nez et sur le menton on retrouve très souvent de petits éléments punctiformes blanchâtres d’aspect sébacé : le milium ou miliaire sébacé ; ils disparaissent en quelques semaines.

L’éruption de chaleur observée en réponse à un excès de chaleur, se présente sur la forme de fines papules rouges qui peuvent se voir sur la poitrine et le cou. Elles sont dues sans doute à la dilatation des glandes sudoripares.

Très souvent, à la racine du nez, sur les paupières et sur la nuque siègent des télangiectasies diffuses réalisant un aspect d’angiome plan de tonalité assez claire, qui disparaissent spontanément en quelques mois. Celles dénommées : naevi materni ou naevus flammeus sont à différencier de l’angiome ‘’fraise’’, qui est moins banal, bien que son évolution se fasse très souvent vers la disparition spontanée ; l’angiome fraise peut-être le témoin d’autres lésions (particulièrement intracrânienne).

Très souvent, sur les fesses, les cuisses et le dos on observe les tâches mongoloïdes, des tâches pigmentaires bleus-gris qui disparaissent entre 2 à 6 ans.

On peut aussi retrouver des lésions traumatiques des parties molles telles que : ecchymose, pétéchies, abrasions, cytostéatonécrose.

Ecchymoses membres supérieur et inférieur droits

L’observation permet également d’évaluer la fonction respiratoire : la respiration est variable dans sa fréquence (30 à 60/minutes) et dans son amplitude ; elle est beaucoup plus périodique que régulière surtout chez le prématuré, avec de courtes périodes d’apnée. Rappelons qu’en salle de travail, lorsqu’elle est rapide et superficielle, elle peut témoigner de troubles acido-basiques (retrouvé particulièrement chez les nouveau-nés avec notion de souffrance fœtale aiguë)

Appréciation de l’état trophique et de l’âge gestationnel

À l’observation, l’aspect de l’enfant peut d’emblée orienter :

  • Le nouveau-né à terme à des mensurations correspondant à la « moyenne », un aspect harmonieux, des extrémités roses et garde les quatre membres en flexion.
  • Le nouveau-né prématuré est petit, mais proportionné, très souvent érythrosique et garde les membres en extension.
  • Le nouveau-né hypotrophique est le plus souvent longiligne, avec une grosse tête sur un corps frêle (hypotrophie disharmonieuse), une panicule adipeuse réduit, une peau sèche.
  • Le nouveau-né post mature a la peau fripée, desquamée par endroit, avec des phanères longs, très souvent avec des traces de liquide amniotique teinté au niveau du lit des ongles.

Desquamation cutanée

À partir de l’observation comme toile de fond, une appréciation de l’état trophique et de l’âge gestationnel devrait permettre d’avoir un meilleur profil du nouveau-né.

En ce qui a trait à l’état trophique, la simple estimation visuelle ne saurait conclure, même lorsque des contraintes circonstancielles peuvent limiter l’évaluation à cette seule possibilité. Le contrôle du poids et des paramètres anthropométriques reste et demeure le principe à adopter.

L’appréciation de l’état trophique permet, déjà à l’observation, de mettre en évidence un nouveau-né bien sûr, eutrophique (normal), macrosome (un gros bébé) et permet d’identifier le nouveau-né « petit ». Ce dernier peut être un nouveau-né prématuré ou un nouveau-né hypotrophe. Rappelons qu’il existe deux types d’hypotrophie : la précoce, celle rencontrée chez le nouveau-né qui a eu à confronter des situations maternelles particulières, ceci depuis le début de la grossesse ; la tardive où le développement somatique est affecté, le problème confronté par la mère étant survenu à partir des derniers mois de la grossesse, le développement cérébral étant épargné.

Il existe des variations, surtout sur le poids, en fonction de : l’état nutritionnel, la présence d’œdème ou la notion de déshydratation. Le Poids moyen d’un nouveau-né est de 3300g (2500 – 4000g), sa Taille en moyenne (Vertex/Talon) est de 50cm (46 – 52 cm), ou la distance « Vertex / coccyx » en moyenne de 34 cm. À noter que la distance Vertex / coccyx est considérée comme étant plus précise que le « Vertex / talon », mais avec l’utilisation de la toise, le « Vertex/Talon est la formule la plus manipulée.

Autres mensurations qui renseigneront sur l’état trophique du nouveau-né, sont le périmètre céphalique (P.C.) et le périmètre thoracique (P.T.). Le P.C. mesuré au niveau des points proéminents du crane (zone frontale et occipitale) est en moyenne de 35 cm (32 – 37 cm) et correspond le plus souvent à la taille « Vertex / coccyx ».

Le P.T. en moyenne de 31 cm, permet de mettre en évidence une hypotrophie (harmonieuse versus disharmonieuse). Un écart de plus de 3cm entre le P.C. et le P.T. traduit cette disproportion entre la tête et le reste du corps, qui caractérise le nouveau-né hypotrophe (hypotrophie tardive). 

En cas de valeur extrême pour la taille et le périmètre crânien (P.C.), il est essentiel de connaître les caractéristiques du père et de la mère.

Certains aspects nécessitent une attention particulière, traduisant le plus souvent les retombées d’une adaptation intra-utérine difficile : c’est le cas du nouveau-né à aspect plus ou moins ridé, avec peau sèche, gardant facilement le pli ou de celui présentant rapidement un œdème important, avec peau luisante et absence des reliefs musculaires.

Des mensurations absolues de longueur et de poids ne donnent pas elles-mêmes aucune indication sur la quantité de tissu mou présent chez un nouveau-né. Le retard de croissance intra-utérin peut priver un nouveau-né de tout son tissu adipeux sans pour autant affecter sa longueur de façon appréciable.

L’examen de l’épaisseur du pli cutané permet une évaluation plus directe de la quantité de graisse sous-cutanée. Cette mesure est réalisée en utilisant un calibreur à ressort pinçant une double couche de peau en des points différents, en général le triceps ou la région sous-scapulaire. L’application de cette technique est limitée au nouveau-né à terme.

La détermination de l’âge gestationnel est importante car elle a des conséquences pratiques immédiates (soins, alimentation, pronostic initial) et lointaines (devenir neurologique). Elle repose sur trois groupes de critères cliniques : chronologiques, morphologiques et neurologiques.

Les critères chronologiques sont constitués par la date des dernières règles permettant de calculer la durée de la grossesse, souvent erronée ou imprécise et l’échographie avant 20 semaines. L’âge gestationnel calculé sur ces critères chronologiques doit toujours être vérifié à partir des autres critères utilisables.

Les critères morphologiques sont réalisés surtout à partir de l’observation du nouveau-né. Les critères morphologiques ou externes ont l’avantage d’une part, de pouvoir être recherchés même si l’enfant est trop malade pour être mobilisé et d’autre part, d’apporter une évaluation indépendante de signes neurologiques pathologiques. Dans la pratique, un score est assigné en fonction des critères morphologiques mis en évidence.

Les critères neurologiques de maturation sont les plus fidèles, car la maturation neurologique, au cours du 3ème trimestre s’effectue de la même manière chez un fœtus eutrophique ou dysmature. Les critères neurologiques sont basés sur l’étude du tonus passif et actif et des réflexes archaïques. Ils ne peuvent être pris en considération qu’au-delà des premières 24 heures de vie.

Les critères morphologiques et neurologiques sont souvent réunis sous la forme de scores, tel que le SCORE DE DUBOWITZ : il permet d’évaluer l’âge maturatif de l’enfant à ± 1 semaine près, avec une assez fréquente surestimation de cet âge.

Autres méthodes pour déterminer l’âge gestationnel :

MÉTHODE DE CAPURRO

Applicable aux nouveau-nés de 29 semaines ou plus, elle utilise cinq (5) caractéristiques physiques :

Forme de l’oreille :  

Il s’agit d’abord d’observer (sans toucher) l’incurvation externe qui constitue le pavillon de l’oreille. L’examinateur se place en face de l’enfant pour rechercher si le bord supérieur du pavillon forme un « toit » sur les parties latérales.

Ensuite on évalue le degré d’incurvation en observant chaque pavillon après l’avoir rabattu sur le visage du nouveau-né d’un côté puis de l’autre.

Les valeurs de 0,8, 16 ou 24 sont attribuées en fonction des trouvailles

Dimension de la glande mammaire :

Avec un ruban métrique on essaye de spécifier si le diamètre du nodule mammaire est < 5, varie de 5 à 10 ou est > 10 mm ; ce geste est posé après avoir déterminé, en pinçant, si le tissu cellulaire sous-cutané est palpable.

Formation du mamelon :

Évaluez les deux mamelons en utilisant un ruban métrique pour rechercher si le diamètre est à peine visible, < 7,5mm, > 7,5mm avec le bord non surélevé ou > 7,5mm avec l’aréole ponctuée et les bords surélevés.

Texture de la peau :

Palpez et examinez la peau des avant-bras, des mains, des jambes et des pieds. Observez si au dos des mains et des pieds, il y a des lignes de desquamations ou des crevasses. En fonction de la profondeur des crevasses ou de la présence de desquamation, évaluez à 0, 5, 10, ou 20.

Plis plantaires

Observez la plante des deux pieds et placez ensuite ceux-ci en hyper extension, de sorte que la peau de la plante reste tendue. La différence entre les plis et les sillons plantaires réside dans le fait que les premiers tendent à disparaître en détirant la peau, tandis que les seconds restent clairement marqués. En fonction de la quantité de sillons, les valeurs 0, 5, 10,15, ou 20 sont attribuées.

Calcul 

On fait la somme des scores totaux des cinq (5) caractéristiques. On ajoute au résultat la valeur 204 (qui est une constante) et le résultat se divise par 7 (qui est le nombre de jours).

L’âge gestationnel une fois déterminé avec le maximum de précisions, il est alors possible d’évaluer la qualité de la croissance anténatale et reportant les mensurations (poids, taille, périmètre crânien) sur les courbes de croissance fœtale 

Sur ces courbes, le 50ème percentile représente la moyenne ; par exemple, pour un âge gestationnel de 40 semaines chez un garçon : poids 3400g, taille 50 cm, périmètre crânien 35 cm.

Les chiffres inférieurs au 10ème percentile correspondant aux enfants hypotrophiques ; l’hypotrophie a surtout une signification péjorative lorsque les chiffres de poids et de taille se situent au-dessous du 3ème percentile.

Hypotrophie fœtale, dysmaturité, retard de croissance intra-utérin (R.C.I.U.) sont synonymes.

Les chiffres situés au-delà du 90ème percentile, correspondent aux enfants hypertrophiques (macrosomes)

La littérature souligne que le rapport poids/âge gestationnel n’a d’utilité que dans la mesure où l’on connaît la population observée, le poids de naissance variant considérablement selon le sexe, la race, la classe socio-économique et de multiples autres facteurs. Le poids d’un nouveau-né n’a qu’une valeur limitée à moins d’être comparé à la longueur du corps et à d’autres mensurations. Les mesures de longueur et de circonférence crânienne sont plus difficiles à estimer que le poids, l’habitude permettra de limiter les erreurs.

Aux U.S.A. le CDC (center for disease control) a publié au début des années 2000 des courbes de croissance révisées pour remplacer celles du NCHS vielles de 20 ans. Une nouvelle donnée avec l’arrivée de ces nouvelles courbes est l’introduction des courbes de l’index pondéral pour l’âge. Ces dernières devraient permettre aux prestataires de soins pédiatriques de mieux apprécier l’état du poids par rapport à la taille et détecter très tôt les enfants avec risques d’obésité.

La classification du nouveau-né selon le poids et l’âge gestationnel est très importante, car elle indique le degré de risque au moment de la naissance. La morbidité et la mortalité néonatale sont inversement proportionnelles au poids et à l’âge, ce qui signifie que plus le poids ou l’âge gestationnel sont faibles, plus la morbidité et la mortalité sont élevées.

Ainsi il est important de considérer les différentes mesures corporelles avant de conclure à une croissance normale. Deux nouveau-nés de poids et d’âge gestationnel identiques peuvent présenter des différences dans leur longueur, leur IP et l’épaisseur de leur pli cutané, mais l’un peut avoir souffert d’un important retard de croissance in utero, qui lui laisse peu de tissu mou et un pli cutané de faible épaisseur, tandis que l’autre peut être plus petit et bien nourri.

Il importe avant de conclure ce chapitre sur l’âge gestationnel et la croissance, de rappeler les principales définitions concernant l’âge maturatif et la croissance pondérale du fœtus et du nouveau-né :

Age gestationnel (ou terme) : âge en semaines, ou jours, d’aménorrhée, compté à partir du premier jour des dernières règles normales de la mère

Age post-natal : âge en jours ou semaines compté à partir du jour de la naissance de l’enfant

Age corrigé, ou âge réel de développement (âge conceptionnel des auteurs anglo-saxons) : cumul de l’âge gestationnel et de l’âge post-natal.

Nouveau-nés de :

–        faible poids de naissance :                PN< 2 500 g

–        très faible poids de naissance :          PN< 1 500 g

–        très très faible poids de naissance :   PN< 1 000 g

N’oublions pas, qu’un enfant prématuré, à terme, ou post-terme peut ainsi être :

  • Hypotrophique
  • Normo trophique ou eutrophique
  • Hypertrophique.