Le colostrum de mères ayant accouché prématurément stimulerait la neurogénèse

Les enfants prématurés nourris au lait de leur mère présentent moins de troubles neurodéveloppementaux malgré une croissance pondérale souvent inférieure à celle qui est attendue ; ce constat a été décrit sous le terme de « paradoxe apparent de l’allaitement ». Le lait humain contient des facteurs de croissance notamment les neurotrophines connues pour leur effet modulateur sur la neurogénèse.

Dans des expériences menées sur des animaux nouveau-nés présentant une souffrance cérébrale aiguë, l’apport de neurotrophines par voie intra-nasale a montré des effets neuroprotecteurs et neurorégénératifs. La prise en charge des hémorragies intra-ventriculaires (HIV) sévères chez les enfants prématurés nécessite de nouvelles approches thérapeutiques pour protéger le cerveau vulnérable de ces bébés lors de périodes critiques. Au travers d’un modèle d’étude in vitro, les effets des composants du colostrum et du lait maternel ont été explorés, en mesurant leur impact sur des explants de bulbe olfactif de ratons nouveau-nés.

Le colostrum dope la prolifération et la migration neuronales in vitro

Des échantillons de colostrum (2 ml) de 5 mères d’enfants nés entre 25 et 28 SA ont été collectés 90 à 105 heures après l’accouchement. Des échantillons de lait mature ont également été recueillis chez ces mères au 14ème jour post-natal. Les bulbes olfactifs des ratons ont été cultivés in vitro pendant 7 jours dans 3 milieux différents : un milieu contenant du colostrum issu de 3 donneuses, un milieu contrôle sans complément et un milieu avec du lait mature. Le taux de développement in vitro des bulbes olfactifs placés dans le milieu enrichi de colostrum, même avec de faibles quantités, a été :

-Multiplié par 2,1 par rapport à ceux placés dans le milieu contrôle (p=0,021)

-Multiplié par 1,3 par rapport à ceux placés dans le milieu enrichi en lait mature (différence non statistiquement significative)

L’analyse protéomique a permis d’identifier la signature moléculaire de protéines neuroactives présentes dans le colostrum en quantité de 3 à 5 fois plus importante que dans le lait mature et qui sont impliquées dans la guidance axonale, l’organisation synaptique, la neuromodulation ou encore l’adhésion cellulaire. Le colostrum possède une bioactivité supérieure à celle du lait mature, y compris en ce qui concerne la neuroprotection et il dope la prolifération et la migration des neurones.

Une piste thérapeutique en cas d’hémorragie intra-ventriculaire ?  

Dans une étude clinique antérieure portant sur des nouveau-nés prématurés ayant souffert d’une hémorragie intra-ventriculaire sévère, il a été observé une tendance à des séquelles cérébrales moins graves qu’attendues, alors qu’on leur avait administré du lait maternel frais par voie intranasale. L’administration intra-nasale de colostrum pourrait-elle être une piste thérapeutique nouvelle ? Une meilleure connaissance des effets neuromodulateurs du colostrum permettra peut-être de développer de nouvelles approches dans la prise en charge des grands et très grands prématurés.

Laurence Girard, IPDE

RÉFÉRENCE

Kaps J, Georgieva VS, Oberholz L, et al. Human preterm colostrum stimulates outgrowth in neurogenic tissue. Pediatr Res. 2023 Jul 11. doi: 10.1038/s41390-023-02721-z.

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