Examen clinique neurologique du nouveau-né

Franck Ford disait : « Tout ce que vous avez à faire est de déshabiller ces petits bébés et simplement les regarder’’.

En effet, déjà à partir de l’observation du nouveau-né, une certaine appréciation de l’état neurologique est obtenue. On observera conjointement posture et mouvement.

La posture dominante est la flexion, les quatre membres étant la plupart du temps décollés de la table d’examen, avec un certain déroulement. Comme on l’a déjà mentionné au début de l’examen physique, en décubitus latéral les membres tendent à s’étendre du côté du menton et à se fléchir du côté de l’occiput. Cette position « d’escrimeur » est due au réflexe tonique asymétrique du cou qui régit la position des membres. Cette attitude est partielle et transitoire chez le bébé à terme. Ce réflexe reste complet chez le prématuré normal, surtout aux premiers stades de vigilance. Le réflexe peut être inversé ; ceci aurait une signification péjorative chez un bébé à terme au stade 4 ou 5.

Position d’Escrimeur chez un Prématuré

Le bébé normal présente des alternances de flexion et extension des doigts et des orteils qui ne ferment cependant pas les poings. Si les membres inférieurs se croisent, cette posture n’est maintenue que quelques secondes avant qu’ils ne se déroulent de nouveau.

En dehors d’une posture « physiologique », il faut mentionner l’existence de « postures déviantes ».

  • L’extension dans les sièges complets
  • La posture en hyper extension après présentation de la face ou du front qui ne doit pas être confondue avec les postures de décérébration.
  • Le réflexe tonique asymétrique du cou complet et se maintenant fortement durant 30 secondes ou plus à un bon stade d’éveil, plaide pour un trouble neurologique spastique (en rapport avec un désordre métabolique, des stigmates d’une notion   d’anoxie pré, per ou post- partum).
  • Dans l’attitude « en grenouille », les quatre membres sont étalés sur le plan d’examen, comme ceux de la grenouille décérébrée. Elle est beaucoup plus préoccupante si on la retrouve au 10ème jour de vie faisant suite à une naissance difficile, associée à mauvais réflexe d’enjambement.
  • Une mono parésie traduit une lésion périphérique. La plus fréquente est la paralysie d’Erb touchant les racines supérieures du plexus brachial. On peut alors observer le signe du « serveur attendant un pourboire ». La récupération rapide du mouvement puis d’une force musculaire est la règle.

Paralysie d’Erb

Tout comme signalé au début du texte, à part la posture, l’activité motrice témoigne aussi de l’état neurologique. L’activité motrice est une somme d’impressions recueillies au cours de l’examen et concernant.

  • Le niveau d’activité selon le stade d’éveil
  • La symétrie
  • La qualité du mouvement (trémulation, soubresauts cloniques, crispations focalisées).

Rappelons les différents stades d’éveil tout en insistant sur l’importance du moment choisi pour l’évaluation neurologique du nouveau-né.

Stade 5 :         bébé éveillé, pleurant

Stade 4 :         bébé éveillé, mouvements amples, sans pleurs

Stade 3 :         bébé éveillé, fins mouvements périphériques

Stade 2 :         sommeil léger

Stade 1 :         sommeil profond

Il faut tenter de réaliser l’examen juste avant le stade 4 ou de rétrograder du stade 5 au stade 4 par le stimulus auditif ou en berçant le bébé. Si le stade 4 offre des conditions optimales pour la plus grande partie de l’examen, certains items seront mieux appréciés au stade 3 (tranquille) et d’autres au stade 5 (éveillé). Les items sont choisis et rangés selon un ordre croissant de désagrément, de l’observation à la marche automatique et au Moro, si bien que le stade 5 ne sera atteint qu’à la fin de l’examen, moment où on notera l’importance et la qualité du cri. 

En dehors des informations recueillies par l’examinateur au cours de l’examen somatique, l’examen neurologique apprécie le tonus de base, la motilité active spontanée et provoquée, les réflexes primaires et de redressement, l’efficience sensorielle ainsi que le début des manifestations comportementales et de la vie de relation.

Nous ne considérons ici que le tonus de base, le tonus actif et les réflexes primaires.

TONUS DE BASE (TONUS PERMANENT)

Encore appelé tonus passif, est apprécié par l’examinateur en dehors de toute participation de l’enfant. L’évaluation visuelle des différents angles segmentaires permet de vérifier chez l’enfant normal, à terme l’hypertonie physiologique en flexion des quatre membres.  

Au niveau du cou, l’extensibilité des muscles latéraux du cou maintient le menton un peu en avant de l’acromion lorsque l’on fait effectuer à la tête du nouveau-né des rotations passives.

Au niveau des membres supérieurs, le tonus de base s’apprécie sur la posture en flexion des membres, avec reprise de cette posture après extension.

L’amplitude des déplacements passifs des membres segment par segment est évaluée comme suit :

  1. Épreuve du foulard au membre supérieur : l’avant-bras et le poignet sont tirés vers l’épaule opposée, le coude ne dépassant pas la ligne médiane ; ce signe évalue la résistance des muscles de l’épaule.
  2. Mesure de l’angle de flexion du poignet (inférieur ou égal à 30 degrés).
  3. L’attitude au repos est la flexion de l’avant-bras sur le bras ; si on étend l’avant-bras, celui-ci revient en flexion tel un ressort et cela même après avoir été maintenu en extension quelques instants.

Au niveau des membres inférieurs, les segments reposent également en flexion au niveau de la hanche et du genou.

  1. Mesure de l’angle poplité et
  2. Manœuvre talon oreille, montrent des angles très fermés de 70 à 90 degrés, avec tendons saillants, tendus et cris de l’enfant si l’on insiste.
  3. Mesure de l’angle pied jambe (dorsiflexion) obtenu par flexion dorsale du pied sur la partie antérieure de la jambe (de 0 à 10 degrés).
  4. L’angle des adducteurs est recherché par l’abduction forcée des cuisses tandis que l’on maintient les membres inférieurs en extension : son amplitude normale est de 70 degrés.

Au niveau du tronc, on apprécie l’amplitude des mouvements de flexion extension et d’inflexion latérale, du bassin sur le thorax.

          – La flexion antérieure du tronc explore le tonus des muscles postérieurs :

Le nouveau-né étant en décubitus dorsal, on fléchit son bassin sur l’abdomen en jouant sur la charnière lombosacrée ; on apprécie le degré de résistance rencontré et l’amplitude du mouvement passif.

          – La flexion latérale passive du tronc explore les muscles latéraux. On     soulève le nouveau-né placé en appui sur l’une des mains de l’examinateur ;        L’excitation latérale le long des gouttières para vertébrales lombaires déclenche un vif réflexe d’inclinaison homolatérale du tronc.

Ces explorations ont pour intérêt de dépister une hypotonie globale ou localisée à un hémicorps, à un membre (paralysie du plexus brachial) ou à la moitié supérieure du corps. Une hypertonie peut de même être observée.

On doit souligner l’importance des postures fœtales in utéro, imprimant à l’enfant des perturbations non pathologiques de ce tonus de base (postures défiantes) :

  • Ouverture de l’angle poplité en cas de présentation de siège décomplété
  • Limitation des rotations latérales du cou en cas de torticolis congénital
  • Fausse attitude d’hypertonie des extenseurs du cou chez l’enfant dont la tête a été défléchie (bregma – front).

TONUS ACTIF

L’étude du tonus actif, consiste à mettre l’enfant dans une situation active et permet d’étudier le redressement des différents segments : tête, membres inférieurs, tronc, redressement global.

Le redressement de la tête ou manœuvre du tiré-assis explore les muscles du cou : fléchisseurs et extenseurs. L’enfant en décubitus dorsal est saisi par les poignets ou par les épaules et soulevé légèrement pour décoller la tête du plan de la table d’examen. Une légère pression des poignets renforce le tonus de base. Normalement, la tête se place dans l’axe du thorax soulevé ; au minimum, on voit les sterno-cléido-mastoïdiens se contracter et la tête suit un court instant le mouvement.

Les muscles extenseurs du cou sont étudiés sur l’enfant en position assise, menton contre sternum, maintenu par les bras et les épaules. Un mouvement vers l’arrière est imposé au tronc : lentement mais spontanément, l’enfant redresse la tête. Il la maintient un bref instant vertical et elle retomberait en arrière si la main de l’examinateur ne limitait sa course.

Le redressement des membres inférieurs met en jeu les muscles extenseurs. Placé en position verticale, sur un plan dur, le nouveau-né prend un appui plantaire solide. L’examinateur renforce cette réaction tonique active en exerçant des pressions répétées sur les épaules. Normalement, les jambes s’étendent et on assiste à la diffusion de la réaction d’extension au bassin, puis au tronc et au cou, réalisant un redressement global.

Pour apprécier le redressement du tronc, l’enfant est maintenu par le bassin contre le corps de l’examinateur, le tronc fléchi en avant. De sa main droite, l’examinateur sollicite l’appui plantaire en mobilisant les articulations tibio-tarsiennes. Le redressement des membres inférieurs se produit et induit celui des autres segments : l’enfant vient progressivement à la verticale appliquer son dos sur le thorax de l’examinateur. Ce redressement du tronc se fait par paliers successifs, rythmé par les inspirations, facilitée par les cris.

LES AUTOMATISMES PRIMAIRES

Ce sont « des réactions motrices » qui, pour une incitation donnée, se déroulent de façon déterminée et identique dans le temps. Ils sont recherchés à plusieurs reprises chez un même enfant et à des moments différents, car les réponses obtenues peuvent être variables.

L’ordre des recherches est topographique : l’exploration commence au visage et aux membres, puis se poursuit par les manœuvres qui nécessitent un changement de position et risquent d’être fatigante.

  1. Le réflexe de succion

  • Les points cardinaux

Des stimulations avec le doigt, légères et répétées, réparties successivement (selon les points cardinaux) aux commissures labiales droite puis gauche, puis aux parties médianes des lèvres supérieure et inférieure, entraînant l’attraction de la tête, des lèvres et de la langue vers le point stimulé.

  • Le « grasping » ou agrippement des doigts

Une stimulation de la face palmaire des doigts provoque leur flexion sur la prise proposée, puis une diffusion de la force tonique aux muscles fléchisseurs du poignet jusqu’au cou ; en exerçant lentement une légère traction vers le haut, on soulève l’enfant au-dessus de la table d’examen.

  • Le réflexe de Moro

Il est provoqué par toute manœuvre qui produit une mobilisation rapide des muscles de la nuque. L’enfant est saisi doucement par les poignets et attiré vers le haut afin de déplacer le point d’appui occipital sans lui faire perdre contact avec la table d’examen.

Le relâchement des poignets provoque le retour de la tête à sa position initiale : c’est le changement vif qui déclenche l’automatisme. La réponse se décompose en 3 temps :

  1. Abduction des bras et extension des avant-bras sur les bras
  2. Ouverture des mains : c’est le temps le plus significatif de la qualité de la réaction
  3. Retour des membres en flexion et cri : ce dernier témoigne du réflexe de Moro parfait d’un nouveau-né à terme.

  • L’allongement croisé

L’enfant étant en décubitus dorsal et au repos, on maintient une jambe en extension par pression sur le genou et on excite la plante du pied du même côté. La réaction du membre inférieure controlatéral se fait en 3 temps :

  1. Flexion
  2. Extension
  3. Adduction du pied qui se rapproche du pied stimulé : c’est le temps essentiel chez le nouveau-né à terme.

  • Le passage du bras

Le nouveau-né est placé à plat ventre, visage appuyé sur la table d’examen et membres supérieurs allongés le long du tronc. L’enfant oriente sa tête latéralement afin de dégager son nez pour reprendre une meilleure inspiration. Dans un deuxième temps, il fléchit lentement le membre supérieur du côté du visage et place sa main devant sa bouche. Lorsqu’on empêche la rotation de la tête, la réaction est bloquée : le premier temps est dominant.

  • La marche automatique

Le nouveau-né tenu verticalement sous les aisselles, le contact plantaire avec la table d’examen entraîne un appui actif puis un redressement des membres inférieurs. En l’inclinant légèrement en avant, il effectue des mouvements alternés de flexion-extension des membres inférieurs qui le propulsent. Le nouveau-né à terme pose d’abord le talon puis toute la surface plantaire.

  • Le réflexe d’enjambement de l’obstacle

Mis au contact d’un rebord comme celui d’une table, le pied du nouveau-né esquive l’obstacle comme pour monter une marche d’escalier.

Ne sont pas, en règle, explorés au cours de l’examen neurologique systématique du nouveau-né, les réflexes ostéotendineux et le réflexe cutané plantaire de Babinski.

Ces réflexes primaires sont normalement présents, vifs et reproductibles chez un nouveau-né normal à terme, ils disparaîtront plus tard lorsque la maturation des structures cérébrales supérieures entraînera l’inhibition de cette réactivité automatique. Donc, si quelques-uns d’entre eux sont présents, il n’est pas nécessaire de les chercher tous, en particulier pas nécessaire de répéter le Moro, dont le déclenchement est à l’évidence désagréable pour le nouveau-né.

Cependant, s’ils sont médiocres ou absents il faudra les rechercher tous les jours pour apprécier l’évolution de cette dépression du système nerveux central.

Il n’y a pas un, mais plusieurs examens neurologiques.