Retard de développement pour les enfants infectés in utero par le virus Zyka même sans microcéphalie

Publié le 18/03/2022

L’infection à virus Zyka (VZ) est une arbovirose transmise par les moustiques Aèdes en Afrique, Asie et Amérique du Sud. La France est concernée avec la Guyane, les Antilles et les îles du Pacifique. Le VZ est relativement peu pathogène pour l’adulte mais en 2015, son rôle tératogène pour le fœtus par transmission verticale a été établi. Il est responsable de mort in utero, de restriction de croissance fœtale, de microcéphalie, d’atteintes visuelles et neurologiques sévères, d’arthrogrypose.

A Rio de Janeiro, une cohorte prospective établie à partir de 2015 a rassemblé l’ensemble des cas confirmés d’exposition anténatale. Au sein de cette cohorte, les nourrissons qui n’avaient pas de microcéphalie avant 3 mois ont été revus rétrospectivement dans le but d’identifier des facteurs prédictifs de retard du développement. La présence de signes cliniques précoces a été notée et l’association avec les étapes du développement à partir de 6 mois a été étudiée. La réalité de l’infection par le VZ a été établie sur le sérum des mères ou des enfants par RT-PCR ou IgM. Les recherches sérologiques chez les mères ont concerné le VIH, CMV, parvovirus B19, Epstein-Barr virus, syphilis, Toxoplasme, Chikungunya et Dengue. Les examens cliniques ont été pratiqués par des pédiatres de différentes disciplines ; l’audition a été testée. Entre 6 mois et 3 ans (médiane 18 mois), des psychologues ont évalué le développement par des échelles (Bayley Scales of Infants and Toddler Development) en particulier dans les fonctions cognitives, motrices et de langage.

Principal problème : le langage…

Au total, il s’agit de 219 nourrissons infectés par le ZV à différents âges gestationnels. Parmi 215 suivis, 53 (25 %) étaient micro-céphaliques à la naissance ; 112/162 (69 %) normo-céphaliques ont pu être testés entre 6 mois et 3 ans. Parmi ces derniers, 72/112 (64 %) avaient des scores dans la moyenne ou au-dessus de 85 dans les 3 domaines ; 30 (27 %) étaient à risque de retard du développement avec des scores entre 84 et 70 (entre -1 et -2 DS) dans au moins un domaine ; 10 (9 %) étaient retardés (≤ 69). La moyenne des scores cognitifs des 112 enfants était de 99,9 ± 13,3, des scores de langage de 89,1 ± 13,95 et de motricité de 95,4 ± 11,8. Ainsi, le développement du langage était le principal problème. Les 53 enfants micro-céphaliques à la naissance étaient trop retardés pour le test et leur score de développement a été estimé à 55. Parmi ces 112 normo-céphaliques, le périmètre crânien moyen de départ était variable selon le groupe évolutif, plus petit en particulier chez les retardés en comparaison des normaux dans le domaine du langage expressif (p=0,04) plus que réceptif (p=0,06). De plus, 7 nourrissons ont vu apparaitre secondairement une microcéphalie <-2 DS. Il n’existait pas de corrélation entre date de contamination in utero et retard. Les déficits auditifs (6 % sur 71 tests) étaient parallèles au retard du développement.

En conclusion, un petit périmètre crânien néonatal, sans être microcéphale, et des anomalies auditives sont en corrélation avec un retard du développement du nourrisson plus âgé. Le retard du langage est le handicap le plus marquant.

Pr Jean-Jacques Baudon

RÉFÉRENCE

Tiene SF et coll. Early predictors of poor neurologic outcomes in a prospective cohort of infants with antenatal exposure to Zyka virus. Pediatr Infect Dis J., 2022;41:255-262

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